Comment on dîne à Taxila chez le roi de l’Inde

Taxila aujourd’hui, au nord du Pakistan

Au premier siècle après Jésus Christ, le philosophe Apollonius de Tyane visita les Indes, accompagné de son disciple Damis. Hôte du roi de Taxila Phraotes, Apollonius assista à un dîner dont certains faits marquants furent rapportés pas Damis :

« Le roi est couché sur un lit, et auprès de lui se tiennent de ses parents, cinq au plus ; tous les autres invités mangent assis. Au milieu est dressée une table comme un autel. […] On y sert des poissons, de la volaille, des lions entiers, des chèvres, des porcs, des jambons de tigre : les Indiens ne mangent pas les autres parties de cet animal, parce qu’ils disent qu’en naissant il tend les pattes de devant vers le soleil levant. […] Quand les convives sont rassasiés, on apporte des cratères d’argent et d’or, un pour dix convives, et chacun se baisse pour y boire, comme font les animaux. Pendant que les cratères se vident, les convives se livrent à des jeux pleins d’adresse et de danger. Par exemple un enfant, comme ceux qui dansent sur le théâtre, sauta en l’air en même temps qu’on lançait de son côté une flèche : quand il fut assez loin de terre, il pirouetta au-dessus de la flèche : s’il s’était trompé le moins du monde dans son tour, il était transpercé. Car la flèche était très perçante, et, avant de la lancer, l’archer en montrait la pointe aux convives pour les en faire juges. Lancer une flèche avec une fronde, viser un cheveu, tracer avec une flèche le contour de son propre enfant appuyé à une planche, voilà les exercices des Indiens pendant leurs festins, et ils y réussissent même lorsqu’ils sont ivres. »

« Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges » par Philostrate.

Les cent ans de Jean Malaurie au Quai Branly

Je suis si heureuse d’être invitée à participer, en tant qu’auteure de la collection Terre Humaine, à la célébration des cent ans de Jean Malaurie qui se tiendra au Musée du Quai Branly le 25 janvier 2022 : Jean Malaurie, l’apprenti chaman.

Il est en effet la personnalité que j’admire le plus – avec celle de Claude Lévi-Strauss – car c’est un être complet, un sage, un humaniste, un scientifique, un intellectuel entièrement libre, un anthropologue et aussi une personnalité hors du commun, fascinante, intelligente et pleine d’humour. Enfin, il fut un résistant pendant la seconde guerre mondiale.

Pour apprendre à mieux connaître ce personnage exceptionnel, il faut lire ses livres bien-sûr, mais aussi l’écouter, comme ici par exemple :

Jean Malaurie, professeur honoris causa, HEC Paris

France Inter 2018

Le temps d’un bivouac 2018

Rendez-vous donc au Musée du Quai Branly le 25 janvier 2022.

Le ciel et la marmite : florilège des lecteurs

J’adore recevoir ces photos prises de mon livre dans les mains de mes lectrices et lecteurs. Merci à toutes celles et ceux qui ont eu cette délicate attention. En voici un petit florilège (et surtout n’hésitez pas à continuer de m’envoyer vos photos pour que je les ajoute à ma collection 🙂 !) :

Polo au col de la Shandur

Le polo free style, c’est du sérieux, au col de la Shandur, 3800 mètres d’altitude, nord Pakistan. Presque tous les coups sont permis. Sang et sueur pour les joueurs de Chitral et de Gilgit qui s’affrontent chaque année en juillet. Le spectacle est plus dans les gradins que sur le terrain. Haute sécurité pour l’édition 2012 : presque autant de soldats que de public. Copyright Sylvie Lasserre

Le peuple Aïnou se bat pour ne pas disparaître

Établi sur l’île d’Hokkaido au Japon et sur l’île russe de Sakhaline, le peuple aïnou ne comportait plus qu’une centaine de locuteurs en 2008 (304 locuteurs en 2006). Leur nombre est difficile à évaluer car nombreux sont les Aïnous à se fondre dans la population japonaise et à taire ses origines. Les gouvernements estiment qu’ils sont entre 25 000 et 200 000 au Japon et moins d’un millier en Russie.

Je suis tombée par hasard sur cet article fort intéressant concernant le combat des Aïnous pour ne pas disparaître : Au Japon, le combat du peuple autochtone Aïnou pour ne pas disparaître.

Les peuples sibériens

Parfois on trouve des trésors sur France culture, comme cette émission de 1983 proposée par Marie-Hélène Fraïssé pour la Matinée des autres : Les peuples sibériens.

Certains des peuples de Sibérie y sont décrit par, entre autres, Roberte Hamayon, Laurence Delaby, Marie Lise Beffa.

On y retrouve, dans l’ordre, les Toungouzes, les Ghiliaks (Nivkhs), les Goldes (Nanaïs), les Koryaks, les Tchouktches, les Kereks, les Itelmènes, les Bouriates, les Touvas, les Aïnous, les Yakoutes. Un véritable enchantement. Écoutez !

Concernant les problèmes auxquels ils sont confrontés de nos jours, voir : Les peuples de Sibérie.

« Le ciel et la marmite – Avec les femmes chamanes d’Asie centrale » vient de paraître dans la collection Terre Humaine.

J’ai l’immense bonheur de vous annoncer la parution de mon dernier livre, Le ciel et la marmite – Avec les femmes chamanes d’Asie centrale, dans la collection Terre humaine (Plon).

Quatrième de couverture

Nous sommes aux confins de l’Ouzbékistan, au plus fort de l’hiver. Au loin, les sommets enneigés des monts Turkestan. Une rivière à sec, qui sert de piste. Au bord, une ferme, la dernière avant le Tadjikistan. Là vit Mayram, une chamane renommée, dont Sylvie Lasserre a partagé la vie. Quelques années plus tard, de l’autre côté de la frontière, l’auteure se lie d’amitié avec Mavlyuda, une autre chamane réputée.

Dans cette région reculée d’Asie centrale où le chamanisme est empreint d’un important substrat préislamique, Mayram et Mavlyuda guérissent les femmes lors de rituels appelés ko’ch’ au cours desquels d’étranges phénomènes se produisent.

À travers ces rituels qu’elle décrypte, l’auteure partage avec nous émotions et histoires de vie pour un voyage en profondeur dans le fascinant univers de ce rituel chamanique. Au fil des pages s’efface l’incrédulité initiale, tandis qu’une autre vision d’un monde interrogeant en creux les failles de nos sociétés modernes se révèle.

Née au Maroc, docteur en physique, Sylvie Lasserre a quitté une carrière d’ingénieure pour se lancer dans l’écriture, la photographie et le grand reportage. Elle parcourt l’Asie centrale depuis 2004. Diplômée de l’EPHE en anthropologie sociale, elle est membre de la Société asiatique.

Voyage au pays des Ouighours : Remise du prix du livre de géographie à Saint Dié des Vosges

Le prix du livre de géographie des lycéens et étudiants 2021 m’a été décerné aujourd’hui pour le Voyage au pays des Ouïghours. La cérémonie s’est déroulée lors du festival international de géographie de Saint Dié des Vosges, et je remercie Maie Gérardot, la présidente du prix, d’avoir lu mon discours à ma place, car je suis retenue à l’étranger.

Voyage au pays des Ouïghours récompensé par le prix du livre de géographie des lycéens

Je suis extrêmement reconnaissante aux lycéens, aux étudiants et à leurs professeurs d’avoir manifesté leur intérêt pour la tragédie des Ouïghours en décernant ce prix au Voyage au pays des Ouïghours. Je suis particulièrement fière de cette jeunesse qui a les yeux grands ouverts sur le monde et les droits humains, comme en témoignent leurs textes.

À l’automne dernier déjà, au salon du livre du prix Bayeux où j’étais invitée, de nombreux étudiants accompagnés de leurs professeurs de géographie s’étaient montrés particulièrement concernés par la question ouïghoure, posant mille questions, prenant quantité de notes… Il était particulièrement touchant de découvrir chez ces jeunes une telle avidité d’apprendre et de vouloir comprendre le drame des Ouïghours, que le monde découvrait à peine.

Pour en revenir au prix du livre de géographie, certains textes de lycéens ayant voté pour Voyage au pays des Ouïghours soulignent que la géographie, c’est aussi le terrain. Les étudiants disent avoir apprécié ce point dans l’ouvrage, qui a la forme d’un récit de voyage, et rappellent que les premiers géographes furent d’abord des explorateurs et des voyageurs – certains le sont encore. C’est vrai, rien ne remplace le terrain : il donne de la chair et de la profondeur à ce que l’on apprend en chiffres dans les livres, il confère une dimension affective aux contrées étudiées.

J’espère en particulier que ce prix pourra contribuer à mieux faire connaître les exactions perpétrées par le gouvernement chinois sur le peuple ouïghour. Puisse-t-il être donné à lire dans toutes les classes. Dénoncer sans relâche ce crime contre l’humanité, voire ce génocide comme accusent déjà plusieurs États, est non seulement nécessaire mais vital pour un peuple qui, jusqu’à il y a peu, n’avait pas de voix et tremblait à l’idée de parler pour dénoncer. Aujourd’hui, il tremble toujours mais il témoigne et l’on voit à quel point c’était nécessaire puisque les condamnations de la Chine commencent à pleuvoir car, enfin, le monde sait.

Si je dédie mon prix à Mihriay Erkin, cette brillante étudiante morte dans un camp chinois alors qu’elle n’avait pas trente ans, c’est dans l’espoir qu’elle puisse devenir le symbole de celles et ceux qui subissent le même sort dans l’anonymat. Son histoire est tragique et fussions-nous ouïghours, nous aurions pu connaître le même sort. Mihriay était étudiante au Nara Institute of Science and Technology près d’Osaka au Japon et allait entreprendre sa thèse de troisième cycle quand sa mère lui envoya des messages lui demandant instamment de rentrer à Kashgar au prétexte que sa santé déclinait. C’était évidemment un piège tendu par les autorités chinoises. Son oncle, exilé en Norvège, tenta de la dissuader en vain. Malgré ses craintes – espérait-elle passer entre les mailles ? –, elle décida de revenir, consciente pourtant des risques qu’elle prenait puisqu’avant d’embarquer dans l’avion qui la ramenait au Xinjiang ce 18 juin 2019, elle envoya le message suivant à une amie : « Si je meurs, si j’ai une tombe, qu’un bouquet de pivoines rouges y soit déposé. » À son arrivée en Chine, elle est arrêtée et internée. Son oncle n’apprendra sa mort, survenue le 20 décembre 2020, qu’au mois de juin, probablement des suites des nombreux interrogatoires subis. Pour falsifier les statistiques, la police ordonna à la famille de déclarer que Mihriay était morte chez elle. Comme des milliers, des dizaines, des centaines de milliers d’autres Ouïghours disparus prématurément probablement…